Voeux à la nation de Paul Biya : le regard d'Eric Achille Nko'o (08/01/2016)

 

Le président Paul Biya s’est adressé à la Nation le 31 décembre 2015. Discours au cours du quel, il a fait le bilan de l’année écoulée qu’il a d’ailleurs placée sous le signe de la RESILIENCE. Le quotidien camerounais l’émergence est allé à la rencontre d’Erick-Achille Nko’o observateur de la scène politique camerounaise pour décrypter avec lui ce discours.
 
 
- Quelle analyse vous suggère de manière globale ce discours?
 
Le 31 décembre dernier, le président de la république a respecté la tradition en s’adressant comme à l’orée de chaque année à la nation. Un discours de routine dont l’objectif est de faire une espèce de bilan de l’année écoulée ainsi que des perspectives de l’année à avenir.  Ce 33 éme discours de fin d’année du président Paul Biya à la nation n’est pas très éloigné de ses précédentes adresses à la nation à la veille du nouvel an. Cette année encore il a fait un arrêt majeur sur la croissance économique et la situation sécuritaire du Cameroun. Pour moi c’était un discours pratique et bien accueilli parce que porteur d’une baisse de carburant et d’une augmentation des allocations familiales.
 
 -Est-ce que ces chiffres de l'emploi avancés par le président de la République vous semblent crédibles? 
 
L’émergence d’une société industrielle à la quelle aspire le Cameroun exige une intégration sociale de toutes les composantes de la  population.  Et l’accès à l’emploi en tant que facteur d’intégration sociale joue un rôle déterminant dans la cohésion sociale et l’unité nationale.  C’est la raison pour laquelle au delà des simples efforts fournis par l’État, il convient de communiquer sur les chiffres qui illustrent la volonté politique d’améliorer le quotidien des camerounais.  Dans une société moderne et démocratique, l’État ne saurait plus être considéré comme seul pourvoyeur d’emploi parce que le privé constitue aussi une source génératrice d’emplois. L’État en tant que acteur central de l’intégration et garant de la cohésion sociale, se doit de créer des conditions favorables pour la réduction du chômage et partant de la pauvreté qui est un des indicateurs de l’exclusion sociale. C’est dans cette logique que le chef de l’État dans son discours à la nation le 31 décembre a montré les efforts fournis par son gouvernement dans la création d’emploi. Il parle de 337 mille 660 emplois générés. Des chiffres qui, bien que illustrant l’effort fournit par son gouvernement, méritent d’être pris avec une marge de réserve. C’est vrai que l’on a vu des emplois être créés dans l’extrême nord et ailleurs, mais toutefois, il faut s’interroger sur leur précarité.  Et d’ailleurs ce qui est curieux c’est que cela n’a pas fait écho comme ce fut le cas avec les 25 mille jeunes. 
 
-Quel jugement faites-vous de la supposée baisse des prix du carburant?

La baisse des prix du carburant serait salutaire si elle portait un effet mécanique  dans le quotidien des camerounais à savoir la baisse directe du coût du transport ainsi des  denrées de première nécessité. Or, rien de tout cela n’a suivi le discours pourtant salué  du président Biya par  les camerounais qui n’ont besoin de rien d’autre que de discours concrets comme celui là. Évidemment, il faut sortir les syndicats des transporteurs de leur silence égoïste.
 
 
-Paul Biya, en s'en prenant à l'administration, ne fait-il pas fi de sa propre responsable en tant que celui qui en premier incarne cette administration?

L’administration camerounaise sans équivoque n’a pas atteint la performance nécessaire pour accompagner le Cameroun dans son « take off » économique, politique et social. Vue ainsi, il ne serait pas anormal de la remettre en question.  De s’interroger sur les raisons de sa dépression. Dans la posture que Durkheim appelle « le social divin », le président  Biya a le devoir de s’en prendre à cette administration qui ne remplit pas de manière pertinente ses missions régaliennes et partant les attentes du peuple. Par ailleurs,  on le sait, le président Biya, se plait à développer  ses discours de réveillon sur un corpus spécifiquement orienter vers la « critique du pouvoir par le pouvoir ».  C’est vrai un tel style est susceptible d’orienter davantage et de booster le gouvernent à une meilleure implémentation de la vision de l’émergence qu’il incarne. Mais toutefois, il ne serait pas moins pertinent  de dire que les manquements de cette administration  devraient lui être imputés dans la mesure où, c’est lui incarne l’administration au Cameroun.  Dans tous les cas, il lui revient d’user de tous les mécanismes constitutionnels à sa disposition afin que la performance administrative soit une réalité au Cameroun.
 
    -Paul Biya mise aussi sur la révolution industrielle au Cameroun. Comment comprendre que ce n'est que maintenant qu'il y pense?
 
Disons que l’industrialisation est un processus important dans la vie économique d’un pays dans ce sens qu’elle favorise la productivité à grande échelle.  Elle est parallèle à la révolution énergétique et la révolution de la communication.  En  1830,  le puissant essor économique des grandes nations comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie et autres, s’est appuyé sur la révolution industrielle. Et pour le cas du Cameroun qui est un pays essentiellement agricole, l’agriculture peut sans doute être d’un très grand apport. La modernisation du Cameroun passera par une remarquable révolution industrielle et des mentalités. D’ailleurs, le président  Biya l’a compris il y a longtemps en créant à Ebolowa une usine de montage et de fabrication des équipements agricoles qui malheureusement s’est  retrouvée abandonnée. Bien plus, le document stratégique pour la croissance et l’emploi accorde une place de choix à l’industrie au regard des grands projets hydrauliques de nature à alimenter le secteur de la grande industrie. Sur le plan de l’éducation, les grandes écoles ont été créées dans l’ultime but d’accompagner cette industrialisation. Nous avons notamment, l’Institut Supérieur du Sahel de Maroua et l’École des Mines de Kaelé la liste n’est pas exhaustive.

    Dans le fond, et ce malgré les manquements des acteurs politiques dans l’implémentation de réelles politiques de développements, il faut reconnaitre que des efforts sont fait dans le sens de la modernisation du Cameroun. Sauf que ces efforts sont altérés et noyés dans la corruption ambiante et la qualité peu satisfaisante des services administratifs fustigés par le président Biya.  Comme précédemment souligné,  le « take off économique, politique et social du Cameroun », impose une véritable révolution des mentalités.

Erick Achille Nko’o



Catégorie : Politique